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Catherine Gillet, Feebat
AQC ©
Catherine Gillet, pilote du programme Feebat (programme national de Formation aux économies d’énergie dans le bâtiment).
"Plus de 200.000 artisans ont vu leur formation prise en charge", C. Gillet (Feebat)

FORMATION. Lancé en 2007 dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE), le programme Feebat ambitionne d’accompagner les professionnels du bâtiment pour les faire monter en compétences dans le domaine de la rénovation énergétique. Catherine Gillet, qui pilote le programme, dresse un point d’étape du dispositif et précise ses ambitions futures.

Le programme national de Formation aux économies d’énergie dans le bâtiment (Feebat) a été lancé en 2007 dans le cadre du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE), afin de fédérer les acteurs du bâtiment, de l’architecture, de la formation et de l’enseignement autour de modules de formation dédiés à la rénovation énergétique. Le but : accompagner les professionnels d’aujourd’hui mais aussi de demain dans leur montée en compétences sur ce segment d’activité.

La nouvelle convention Feebat vient de renouveler ce programme jusqu’au 31 décembre 2025, en se calquant sur la 5e période des CEE, elle-même en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Le dispositif s’articule autour de la formation initiale et de la formation continue qu’il prodigue, mais également de son intégration dans « l’écosystème national ».

Artisans et petites entreprises, agences d’architecture et bureaux d’études, apprentis et étudiants, écoles et centres de formation peuvent ainsi bénéficier de parcours spécifiques bien utiles, à l’heure où la transition écologique passe, entre autres, par la réhabilitation thermique des logements.


Batiactu : Pouvez-vous présenter et dresser un point d’étape du programme Feebat ?

Catherine Gillet :
Feebat est un programme de formation des professionnels en activité, ou des futurs professionnels, sur la rénovation énergétique, qui accompagne depuis 2007 toutes les politiques publiques liées à la réduction des consommations énergétiques et d’émissions de CO2 (dioxyde de carbone) dans le domaine du bâtiment. Il s’est monté dans le cadre du dispositif des CEE, sa véritable thématique étant la rénovation énergétique des bâtiments. C’est encore plus vrai aujourd’hui, avec les problématiques d’énergie et de climat, où il se présente comme l’un des outils aidant à la baisse de la consommation, à l’indépendance énergétique et à la décarbonation.

À l’origine, le programme est parti du principe,
 
défendu par la FFB (Fédération française du bâtiment), l’ATEE (Association technique énergie environnement) et EDF, ensuite rejoints par la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment), qu’il fallait accompagner les professionnels sur l’approche globale des travaux de rénovation énergétique. La première cible du dispositif a donc été les artisans et entreprises, puis nous y avons intégré en 2012 les architectes et bureaux d’études techniques, les architectes restant un partenaire important pour la formation continue.

En 2014, le label RGE (Reconnu garant de l’environnement) a été mis en place, avec la volonté des professionnels de se faire reconnaître sur le plan des formations et des compétences, puis en 2018 une convention Feebat a été signée, embarquant le ministère de l’Éducation nationale pour la formation initiale, le CCCA-BTP (Comité de concertation et de coordination de l'apprentissage du bâtiment et des travaux publics) pour la formation des apprentis, et le ministère de la Culture pour la formation en écoles d’architecture.

C’est donc un programme conséquent ! Son secrétariat technique a été confié à l’AQC (Agence qualité construction). En 2020, le programme s’est avéré tellement ancré dans l’écosystème que le ministère du Travail nous a rejoints. Et les pouvoirs publics ont prolongé cette convention jusqu’en 2025 avec une nouvelle gouvernance : l’ATEE est porteur du dispositif, l’AQC est porteur associé ; l’ATEE travaille sur la formation continue et transverse, l’AQC travaille sur formation initiale.


À ce jour, combien de professionnels en activité ont suivi le programme ? Et combien de jeunes en apprentissage ont également bénéficié du dispositif ?

C. G. :
Sur les jeunes, nous finissons à peine de concevoir les premières sessions de formation, qui seront donc des pilotes. On vient de sortir notre première promotion de formateurs de formateurs ! Ces personnes se chargeront donc d’initier les enseignants aux ressources. On va commencer le déploiement des modules à l’automne. Idem pour les écoles d’architecture, où l’on vient de terminer notre première formation-test auprès des formateurs en établissements. Le déploiement aura aussi lieu à l’automne pour l’Éducation nationale.

Sur les professionnels en activité, ce sont plus de 200.000 artisans qui ont vu leur formation prise en charge par le programme – donc qui ont bénéficié d’un financement. On constate d’ailleurs que dans les formations dédiées aux énergies renouvelables (ENR), et même d’une manière générale, il y a entre 25 à 30% plus de stagiaires formés que de stagiaires pris en charge par le programme. Cette différence s’explique par les critères de prise en charge : les artisans doivent être finançables, et certains ne font pas la démarche de rejoindre le dispositif.

 
"Nous sommes en quelque sorte des aiguilleurs, des intermédiaires vers les bons cursus, qui ne sont d’ailleurs pas forcément des organismes de formation. Notre but est de transmettre la bonne information."



Feebat ne joue en fait qu’un rôle d’intermédiaire entre les professionnels désireux de se former, et les établissements proposant ces formations. Si vous avez bien sûr intérêt à communiquer auprès des entreprises, les organisations représentatives du secteur ont aussi un rôle à jouer dans leur communication…

C. G. :
Effectivement, les professionnels savent globalement plutôt bien qu’ils ont accès aux formations, mais on travaille avec les partenaires (Capeb, FFB, Conseil national de l’ordre des architectes…) et France Rénov’, en étant visible sur leurs sites Internet, sur leurs évènements, sur le Mondial du Bâtiment, sur la communication digitale avec les newsletters… Nous allons d’ailleurs relancer une campagne de communication, que l’on essaiera d’être plus pratique qu’institutionnelle, car nous voulons vraiment que la cible – le professionnel – sache qu’il existe des modules de formation, et qu’il atterrisse chez nous pour trouver les informations.

Nous ne sommes pas organisme de formation, donc nous ne réalisons pas de chiffre d’affaires sur ce business. Notre rôle est véritablement d’orienter les professionnels vers leurs besoins. Nous sommes en quelque sorte des aiguilleurs, des intermédiaires vers les bons cursus, qui ne sont d’ailleurs pas forcément des organismes de formation. Notre but est de transmettre la bonne information. Les partenaires s’impliquent aussi et communiquent largement, et nous travaillons avec les médias, les supports qui sont au plus près des cibles.

Au moment de la mise en place du label RGE, 60.000 personnes étaient formées chaque année – dans le sens qu’elles étaient prises en charge pour le financement de leurs formations. À l’heure actuelle, 6.000 personnes sont prises en charge pour les formations bâtiment et ENR, ces dernières accompagnant ainsi l’évolution des réglementations et/ou permettant d’accéder à la qualification. Quand les pouvoirs publics changent les règles, il y a de nouveau un flux d’actualisations des formations.


Que comptez-vous engager comme nouvelles actions à travers la convention de renouvellement s’étendant jusqu’à fin 2025 ?

C. G. :
Nous voulons mener trois types d’actions. D’abord, la conception de formations de A à Z, puis les mettre dans les mains des formateurs (des organismes de formation sélectionnés), et assurer leur déploiement et leur financement (via les CEE). En formation initiale, nous en sommes à des tests de modules ; en formation continue – qui représentent une trentaine de formations au global, tous corps de métiers confondus –, nous sommes en accompagnement de la réglementation, par exemple sur l’audit énergétique qui nous occupe beaucoup en ce moment, les travaux en copropriété ou en maison individuelle… Il s’agit de formations volontaires de montée en compétences des professionnels pour leur permettre de développer leur activité, via une approche par thématiques métiers (isolation, menuiseries, comment travailler en groupements d’entreprises…).

 
"Feebat a la chance d’être reconnu, implanté dans le paysage depuis longtemps. Il n’y a donc pas de risque d’investissement ; c’est un programme sûr pour un financeur."



Quels sont vos financements ? Le cadre actuel du système des CEE vous permet-il justement de disposer des financements suffisants ?

C. G. :
Les financements sont en effet apportés depuis l’origine par le dispositif des CEE. EDF était jusqu’au 30 juin 2022 le seul financeur, puis la doctrine a changé : il faut désormais au moins deux financeurs. Nous avons lancé un appel à financeurs, et nous nous sommes mis d’accord avec trois financeurs : EDF (qui assure 50% de nos financements), Siplec (45%) et Distridyn (5%). Les besoins du programme sont couverts, nous avons sécurisé nos financements jusqu’en 2025.

Nous étions à 7€ du mégawatt-cumac lorsque le programme a été lancé, alors que le marché était plus bas qu’aujourd’hui. Il doit y avoir un texte dans l’été qui doit de nouveau réguler ce prix et ces programmes, car certains acteurs n’ont pas vu leurs besoins couverts. C’est pourquoi nous lançons un nouvel appel à financeurs et que nous entamons de nouvelles négociations. Feebat a la chance d’être reconnu, implanté dans le paysage depuis longtemps. Il n’y a donc pas de risque d’investissement ; c’est un programme sûr pour un financeur. Cette tendance positive est amplifiée par les pouvoirs publics. Ce qui nous permet de disposer d’une enveloppe financière totale de 42 millions d’euros, répartie à parts égales entre les formations initiale et continue.


Alors qu’il y a eu de grandes craintes cet été autour du niveau de prise en charge des coûts des formations en apprentissage, le Gouvernement a suspendu l’évolution des coûts-contrats à une nouvelle révision. Comment vous positionnez-vous sur l’apprentissage ?

C. G. :
Nous déploierons à l’automne des modules de formation initiale, avec une première promotion de formateurs. Je peux d’ailleurs vous assurer qu’au bout de trois jours de formation, ces formateurs étaient à bloc ! Ils sont satisfaits des ressources pédagogiques, qui sont au nombre d’environ 700 et qui seront réactualisées régulièrement, sous la forme de différents formats : vidéos, PowerPoint, jeux PC… Ils attendent désormais leurs élèves. Nos ressources répondent à un vrai besoin de la part des formateurs, et aux attentes des jeunes. Ces modules seront donc modernes tout en étant ludiques. Ils formeront autrement à la rénovation, tout en conservant la liberté pédagogique. Chaque enseignant continuera à enseigner comme il l’entend.

Le problème est en réalité plus global : c’est l’attractivité des métiers. Les entreprises ont besoin d’apprentis, et le système d’apprentissage a besoin que les coûts ne soient pas trop élevés. Il faut donc aller chercher les jeunes pour les motiver à rejoindre la filière de la rénovation énergétique. Mais il est sûr que si les coûts-contrats baissent, les organisations professionnelles vont monter au créneau, comme elles l’ont déjà fait pour Feebat. Grâce à elles, le niveau de prise en charge du coût pédagogique des formations bâtiment pour les « ressortissants » du CCCA-BTP et de Constructys (l’opérateur de compétences du secteur de la construction) est passé de 30 à 40% dans les cursus ayant débuté au 1er juillet, y compris pour les formations ENR – sauf le solaire photovoltaïque.

Propos recueillis par Corentin Patrigeon (12/09/2022)